Une sagesse du corps, de la joie et de l’amitié

Une sagesse du corps

Auteur : Emilio Lledó

Titre : Une sagesse du corps, de la joie et de l’amitié – Lecture d’Épicure

Genre : essai / philosophie (160 p.)

Traduit de l’espagnol par Vincent Ozanam

 

Parution : 30 mai 2017
ISBN : 979-10-94791-10-3 (broché)
Prix : 13 € (broché)

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Pourquoi le message concret et stimulant d’Épicure a-t-il été si violemment attaqué et grossièrement caricaturé dès qu’il est apparu ? Ne serait-ce pas simplement parce qu’il remet en cause l’ordre établi, la domination qu’exerce une minorité sur les sociétés humaines en promettant un avenir meilleur afin que « le plus grand nombre » – le peuple, le commun des mortels – supporte le présent sans broncher ?
Épicure a formulé des idées qui nous paraissent encore révolutionnaires aujourd’hui. Il envisage la vie et ses aléas à partir de la reconnaissance véritable du corps, notre résidence obligée dans le monde. Et, surtout, il invente une éducation et une politique de l’amour comme unique motivation – et possibilité – pour continuer à vivre.

Né en 1927 à Séville, Emilio Lledó appartient à la génération de penseurs et de professeurs qui ont permis à l’Espagne de reprendre sa place dans la culture européenne. Ancrée et impliquée dans la réalité de son époque, la réflexion qu’il a menée au fil des ans s’est nourrie de son travail continu sur l’interprétation des textes antiques. Ses nombreux ouvrages, portant notamment sur le langage et sur l’écriture, font d’E. Lledó une référence intellectuelle et morale unanimement reconnue dans le monde hispanique.

Extraits

Paradoxalement, c’est tout juste si l’épicurisme a quelque chose à voir avec la culture des plaisirs conforme à l’image qui en a été, trivialement, donnée. La quête du plaisir et de la joie, dans les limites normales de l’existence, n’est qu’un principe libérateur dans le déroulement de la vie humaine – laquelle renferme déjà, dans sa structure propre, d’inévitables instants de souffrance et de négation. Mais le principe de la joie est, au fond, un principe de démocratisation et d’optimisme, qui nourrit et qui stimule la vie.
L’épicurisme est, avant tout, une théorie de la sagesse qui nous apprend à comprendre la joie et le plaisir comme de simples indicateurs de notre bien-vivre, impliquant, en même temps, un bien-être. Et ce bien-être est un élément d’équilibre et de liberté face à soi-même. La société de consommation qui, à notre époque, a créé la jouissance vide de ce qui n’est ni naturel ni nécessaire, et qui a instauré, comme un objectif mélancolique de l’insatisfaction, l’idéologie de l’avoir, est tout à fait éloignée de l’épicurisme compris comme une théorie de l’être. Le déluge d’informations que transmettent les médias, les inépuisables possibilités d’acheter et de posséder qu’offre la société de notre temps, finissent précisément par provoquer une atrophie de la sensibilité et un épuisement progressif du corps et de l’intelligence. La philosophie épicurienne a été révolutionnaire parce qu’elle a eu l’intuition de l’excès et de la misère considérable à laquelle un tel excès conduisait : une atrophie grandissante à l’égard des idéaux d’une démocratie véritable, et un appauvrissement menaçant de la capacité de réfléchir, de comprendre, de concevoir.

Le savoir ne nous rendra pas seulement libres ; Épicure ajoute une donnée beaucoup plus concrète: le savoir nous rendra heureux. La connaissance de la réalité nous permettra, dans tous les cas, de nous défaire du lourd fardeau idéologique amoncelé par la société au fil du dur processus de son évolution et de son dépassement.
La thèse d’Épicure résonne dans un cadre réaliste et démythificateur. Comme un premier pas indispensable au développement grandissant du savoir, cette confiance claire et résolue en la connaissance, qui rend heureux, et dans le combat permanent contre tout ce qui l’interdit, ne manque pas, pour toutes les époques, d’être édifiante. Le monde contemporain ne doit pas avoir excessivement progressé s’il n’a pas encore tiré au clair cette opposition sanglante entre théorie et praxis, entre connaissance et bonheur.