Soldat ? Jamais !

Soldat ? Jamais !

Auteur : Gérard Leretour

Titre : Soldat ? Jamais !

Genre : document / témoignage (192 p.)

 
 

Parution : 27 février 2018
ISBN : 979-10-94791-14-1 (broché)
Prix : 12 € (broché)

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Appelé à effectuer son service militaire en 1929, G. Leretour déclare qu’il ne se rendra pas à la convocation parce que sa conscience lui interdit de porter les armes. Dès son arrestation, il entame une grève de la faim. Après de nombreux épisodes, dont un internement en asile psychiatrique à Strasbourg, une invraisemblable évasion, une période d’exil à Bruxelles et un nouveau jeûne de seize jours qui faillit lui coûter la vie, il est définitivement réformé en février 1933. Pour la première fois en France, une brèche est ouverte dans le caractère obligatoire du service militaire.

Édité à compte d’auteur dès 1933, le livre de G. Leretour, rédigé dans un style vivant n’excluant pas l’humour, se voulait être un outil destiné à contribuer au combat pour la reconnaissance légale de l’objection de conscience en France. Mais, au-delà de son incontestable valeur en tant que document historique, ce témoignage d’une expérience et d’une volonté peu communes conserve toute sa force expressive et son épaisseur humaine.

Né en 1909 près de Rouen dans une famille ouvrière, G. Leretour a fondé en 1933, après avoir été lui-même réformé, la Ligue des objecteurs de conscience. Tout au long des années 1930, où triomphaient partout les régimes autoritaires et militaristes, il a continué de lutter pour ses idées, en dépit des difficultés et de fréquents séjours en prison. S’exilant en 1939 au Chili, il y est mort en 1990.

La présente réédition de ce livre reprend l’ensemble des documents annexes de l’édition originale de 1933. Elle est en outre enrichie d’articles de presse de l’époque, ainsi que de contributions inédites de l’historien Édouard Sill sur le contexte du livre, son apport et sa postérité.

Extrait

Le 5 janvier 1933, vers 11 heures, c’est-à-dire deux ans exactement après ma fuite de Strasbourg, je poussai la porte de la gendarmerie de Suresnes. Un des gendarmes qui m’avaient arrêté auparavant était assis à une table.
— Vous désirez ? me dit-il, sans me reconnaître.
— Je suis Gérard Leretour, déserteur, je viens me constituer prisonnier; ne me reconnaissez-vous pas ?
— Non! C’est vous, Leretour ? Je vous croyais en Belgique. Il y a peu de temps, je suis allé chez votre frère demander des renseignements sur votre domicile actuel. Allons, vous riez, vous ne venez pas vous constituer ? Farceur, va !
— Pardon, dis-je, c’est très sérieux. Je suis venu exprès pour cela…
— Quelle idée vous prend ? Enfin, puisque vous y tenez et que vous êtes là…
Toute la brigade, pendant ce temps-là, s’était réunie dans le bureau et mes braves gendarmes de s’ahurir. Enfin, on me fit subir un interrogatoire; on rédigea un procès-verbal « d’arrestation par constitution volontaire » (
sic).
J’avais, on l’a vu, eu le temps de mûrir et de prévoir mon attitude devant l’autorité militaire ; j’étais donc en présence d’un représentant subalterne, peut-être, mais représentant tout de même de cette fameuse autorité. Qu’allais-je faire ? Je m’étais forgé une thèse, ingénieuse et solide. Sans désemparer, je me mis à l’exposer…
— Je refuse de répondre à votre interrogatoire, pour les raisons suivantes : vous vous dites
autorité militaire ? Je ne vous reconnais pas ! Je considère que votre autorité est basée sur la force et sur l’immoralité ; en conséquence, je ne l’accepte pas et je lui refuse mon concours et mon acceptation. Vous m’avez condamné à trois années de prison pour désertion ; je ne reconnais pas non plus la légalité de ce jugement qui est votre œuvre. Je vous assimile à une force inadmissible, comme le fascisme par exemple : je constate votre existence, je vous subis, mais je ne vous reconnais pas ! M’estimant victime d’une violence, par la condamnation que vous m’avez infligée, je décide donc de protester par le seul moyen dont je dispose en prison : la grève de la faim. Ou vous me libérerez, ou je mourrai de faim !
Ce raisonnement est imbattable. On l’enregistra. Je joignis au procès-verbal le texte de ma déclaration de principe, dont j’ai donné connaissance plus haut, et j’ajoutai qu’il était maintenant inutile de discuter avec moi sur ce thème ou d’instruire à nouveau mon cas : je ne répondrais plus à qui que ce soit et ni sur quoi que ce soit.
Ceci fut mentionné et, deux heures après, en route pour la Prévôté, pour la troisième fois !