Dans la nuit la montagne brûle

Auteur : Juan Tomás Ávila Laurel

Titre : Dans la nuit la montagne brûle

Genre : roman

Traduit de l’espagnol (Guinée équatoriale) par Vincent Ozanam

 

Parution : 26 février 2019
ISBN : 979-10-94791-20-2 (broché)
Prix : 15 € (broché)

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C’est la vie sur une île perdue au milieu de la « mer atlantique », vers l’équateur. Les habitants sont peu nombreux et survivent en manquant de tout. Chaque jour, les femmes vont à la recherche de tubercules ou de fruits, les hommes pêchent – quand ils ne sont pas partis travailler ailleurs, à un endroit où on ne peut aller qu’en bateau –, les vieux attendent, les enfants trompent la faim et regardent… Et la vie palpite de mille curiosités, au plus près des choses, sous ces regards d’enfants remplis de questions, d’étonnements, d’inno­cence, de drôlerie aussi.
Un jour, la montagne prend feu.

Chronique, fable, récit, témoignage et en même temps fiction, ce roman d’une force évocatrice étonnante joue sur tous les plans pour (re)créer un univers à part. Usant de techniques propres à l’oralité, avec un art consommé de la digression, de la répétition et des enchaînements, le texte impose son rythme, à la fois dense et lent. Hors des sentiers battus, ce grand livre propose une expérience singulière et marquante.

Né en 1966 à Malabo, la capitale de la Guinée équatoriale, Juan Tomás Ávila Laurel a passé une partie de son enfance sur l’île d’Annobón, dont ses parents étaient originaires. Auteur de nombreux ouvrages, il a abordé des genres littéraires variés. Il vit aujourd’hui à Barcelone. Dans la nuit la montagne brûle, publié en espagnol en 2009, est son deuxième livre traduit en français après Sur le mont Gourougou (Asphalte, 2017).

Extrait

Dans la forêt, les garçons ne peuvent communiquer qu’en sifflant. Et les femmes émettent un son, un cri aigu, qu’elles connaissent d’avance, qui est quelquefois propre à une famille et que toutes les femmes de celle-ci connaissent. Nous avons fait comme j’ai dit et, quand nous nous sommes trouvés ensemble, nous avons commencé à monter vers l’endroit où nous voyions voler ces oiseaux qui éveillaient tant nos appétits. Faute de poisson, de poule sauvage, d’oiseaux marins, presque côtiers, que nous puissions attraper à jet de caillou, d’écrevisses ou d’autre source de saveur, nous gravissions cette pente, stimulés par la capture imminente de cet oiseau au long plumage. Nous ne voulions pas que nos mères remarquent notre absence, ce qui fait que nous nous sommes plutôt hâtés d’arriver, et bientôt nous étions arrivés. Nous nous sommes très bientôt vus près de nuages que nous avons cru être ceux des hauts sommets, même si nous ne nous en sommes pas tout de suite rendu compte. Ce secteur était de fait assez humide, et nous pensions qu’il avait plu récemment ou qu’il allait pleuvoir.
Nous avons bientôt vu les oiseaux arriver à leurs nids et en ressortir, dans les arbres qui se trouvaient à proximité. Et nous croyions que nous pouvions avoir de la chance. La question était que les arbres ne soient pas trop hauts pour nos forces. Nous avons regardé et en avons vu un que nous croyions abordable, d’un trou duquel dépassait la queue d’un bel exemplaire de l’oiseau de nos désirs. Nous avons regardé vers le haut et nous sommes décidés. C’était lui qui allait monter, parce qu’il était le plus âgé et qu’il avait plus d’expérience. Pour attraper ce confiant oiseau marin, il suffit de s’en saisir, de lui attacher les ailes, ou de les lui briser, et de le jeter sur le sol. Alors, mon courageux ami a grimpé, grimpé, et il a atteint une distance importante. Alors, il a poussé un cri. Qu’est-ce qui est arrivé ?, je lui ai demandé, et il s’est de nouveau exclamé, et, après celle-là, d’autres exclamations ont suivi, ce qui était le signe qu’il était arrivé une chose grave. Après ces exclamations et d’autres signes qu’il était arrivé une chose grave, il a commencé à trembler, incapable de faire aucun autre mouvement pour continuer à monter ou pour descendre. Moi, j’étais sur mes pieds, je regardais vers le haut, incapable de comprendre ce qui arrivait. Mais, immobile comme il l’était, il m’a dit de regarder vers le bas. Je ne savais pas qu’il y avait un autre endroit plus bas que le chemin par lequel nous étions venus. Mais, sans cesser de trembler et en gémissant, il m’a indiqué l’endroit dont il voulait parler. J’ai avancé de quelques pas et j’ai senti ce vide terrible devant moi. Nous étions au sommet de l’une des plus hautes montagnes de l’île, mais sans le savoir.